Peu à peu Saint Amand Magnazeix a pansé ses plaies, un autre monde se dessine, et, sous l'impulsion de l'équipe municipale, la commune s'engage résolument dans une stratégie de modernisation déjà amorcée dans les dernières années d'avant guerre.
En France, la période allant de 1922 à 1939 a été marquée par l’instabilité politique avec alternance au pouvoir des partis de droite et de gauche. A Saint Amand Magnazeix, par contre, ces années ont été caractérisées par une très grande stabilité. L’équipe municipale, menée par Jean Baptiste Nicoulaud, élue en 1919 a été reconduite lors de tous les scrutins municipaux successifs jusqu’en 1939.
Le conseil municipal de Saint Amand Magnazeix, sous la houlette de son maire, adhérent de la SFIO depuis 1910, applique et même revendique une gestion de politique socialiste. Il défend la politique d’aide aux plus faibles. Les attributions de la commune sont augmentées, l’assistance aux personnes âgées, aux familles nombreuses, aux nécessiteux ainsi que les retraites ouvrières et paysannes s’ajoutent à ses attributions premières.
L’équipe municipale soutient ses agriculteurs notamment lors des crises agricoles des années 1930 à 1936 (doryphores, effondrement des prix agricoles). Pour la municipalité la modernisation du village (électrification, développement des réseaux routiers et téléphoniques) sont des grands chantiers prioritaires. L’instruction publique et l’école sont aussi l’objet de toute son attention.
La municipalité organise régulièrement des réunions de propagande, elle soutient les candidats socialistes lors de toutes les élections (députés, conseillers généraux) qui se tiennent à la mairie, à l’école ou à l’auberge Lavaud. A partir de 1935, le conseil municipal (composé en majorité d’anciens combattants de la guerre 14/18) milite fortement pour le pacifisme et l’antifascisme alors que les bruits de guerre sont de plus en plus présents dans l’actualité
L’instruction reste une préoccupation importante pour la municipalité. Cette dernière souhaite agrandir et améliorer le groupe scolaire mais ne pouvant supporter seule le coût élevé de la réalisation du projet, depuis de nombreuses années, elle adresse tous les ans une demande de subvention au conseil général et à l’état, sans réponse positive jusqu’alors. Cependant, en prévision d’une future construction, en 1935 le maire fait l’acquisition à madame Chabroux d’une "parcelle de terrain sise au Bourg destinée à recevoir la construction d’une salle commune aux écoles"
La commune améliore régulièrement le matériel d’enseignement (tableau, bureaux, sièges, etc…), pour ce faire une subvention annuelle affectée au renouvellement périodique de ce matériel est inscrite au budget communal. La coopérative et la cantine scolaire bénéficient également de subventions communales.
Des cours pour adultes sont mis en place par la municipalité en coopération avec les enseignants.
Photo collection privée, classes des filles années 1930
Le développement et l’amélioration des voies de communication, commencés avant-guerre, sont poursuivis. Les chemins ruraux de Montanaud, Courroux et Montchenon - VO 10 Laschamps/Cerveis font l’objet d’un aménagement. Neuf chemins vicinaux ordinaires sont classés chemin de grande communication par la département et sont gérés par ce dernier. Des travaux de cylindrage sont réalisés sur les routes.
Certains habitants s'équipent d'automobiles qui circulent dans la commune et aux alentours. On déplore déjà des accidents parfois très graves comme celui de François Rochais de Montanaud décédé en août 1935 près de Morterolles.
En 1922, le conseil général signe une convention avec Bernis, entrepreneur du service départemental de transport par autobus, concernant une ligne allant de Limoges
à La Souterraine via Morterolles et la RN 20, Saint Amand étant desservi par un arrêt à Puyferrat à 1 km du centre. Le conseil municipal demande un arrêt supplémentaire de la ligne au Centre
Bourg du village qui sera accepté grâce au soutien des conseillers généraux proches de la municipalité. Le passage de l'autobus du matin transportant les dépêches améliore ainsi
l'acheminement du courrier tant à l'arrivée qu'au départ. Cette ligne d'autocar est un réel vecteur de désenclavement pour la commune.
Lorsque l’on compare le recensements de 1921 à celui de 1914 on constate que, pendant cette période, la commune a perdu près de 100 hommes dans la classe d’âge de 13 à 69 ans. Les fermes manquent de bras, elles doivent revoir leur fonctionnement. Les productions animales moins mobilisatrices de main d’œuvre vont être favorisées.
Saint Amand Magnazeix a toujours été une terre d’élevage bovin, déjà dans les années 1880 certains éleveurs de la commune participant aux comices agricoles ont obtenu des médailles. On élève des bœufs à viande exportés vers la région parisienne mais aussi des taureaux pour la reproduction ainsi que des bœufs de traction.
La commune s’est dotée d’un Syndicat d’Elevage, très actif. Les syndicats d’élevage du département ont créé une fédération, lors du classement de 1936 où figurent 40 syndicats, Saint Amand arrive premier pour le nombre d’adhérents (130) et deuxième pour le nombre de taureaux inscrits au Herd Book (6).
La plupart des fermes détiennent des cochons et de la volaille réservés à l’alimentation familiale. Les plantes sarclées sont cultivées pour l’autoconsommation du
ménage, de la basse-cour et du bétail. Les céréales et les excédents sont proposés à la vente.
La commune possède un Syndicat Agricole, dirigé très dynamiquement par Eugène Chantioux, en pointe sur la gestion et l’obtention des pommes de terre de grosse consommation expédiées dans toute la France. Saint Amand Magnazeix est aussi un important un centre de sélection des semences de pommes de terre envoyées dans le Bordelais et en région parisienne.
En 1925, le doryphore arrive en Haute Vienne. Pour contrer sa dissémination, l’administration impose l’interdiction d’expédition des pommes de terre issues d’une
zone contaminée. En 1929 le doryphore atteint la commune et le nord de la Haute Vienne. L’interdiction administrative prive les producteurs de leurs revenus. Les protestations sont
nombreuses et vigoureuses. Eugène Chantioux participe activement à la protestation contre les mesures réglementaires. A son instigation, un comité de défense est créé. Le 14 septembre 1930, un
millier d’agriculteurs de l’arrondissement de Bellac se réunissent à Chateauponsac pour exprimer leur mécontentement. Une délégation comprenant Eugène Chantioux est reçue au ministère de
l'agriculture. Devant cette fronde, dés le 27 septembre 1930, le ministère autorise « du 1er octobre au 31 mars les expéditions pour toutes destinations » ce qui
tempère les colères. Au fil du temps, la tendance générale sera de réduire ces cultures qui nécessitent une main d’œuvre abondante.
Le 18 novembre 1934 a lieu l'inauguration en grande pompe par Eugène Chantioux d'un grand magasin du Syndicat Agricole de Saint Amand
Magnazeix construit au Bourg sur un terrain cédé par la commune.
L’accroissement des productions animales se traduit par un augmentation de la fourniture de fourrages et donc l'extension des surfaces en herbe. Les terres les moins fertiles ou difficiles à travailler ne sont plus cultivées, elles sont reconverties en prairies pour le pacage. Chaque fois qu’on le peut on crée des prairies permanentes irriguées qui peuvent être fauchées. L’utilisation des engrais et des semences sélectionnées se généralise ce qui se traduit par l'augmentation des rendements.
Des conférences de vulgarisation des connaissances agricoles sont organisées régulièrement par le directeur des services agricoles du conseil général en
collaboration avec la municipalité et les syndicat agricoles. Ces conférences ont lieu plusieurs fois par an dans les locaux municipaux. Elles attirent jusqu'à 100 personnes en fonction des
sujets traités comme "rôle, organisation, création et fonctionnement d'un syndicat d'élevage" ou "emploi des engrais et sélection contre les maladies dégénératives de la pomme de terre",
"conservation des pommes de terre" et bien d'autres sujets.
A partir de l'année 1923, l'électrification de la commune est le grand chantier de la municipalité et de la commune.
Au début de l’année 1914, Limoges et quelques villes de Haute Vienne bénéficient de la distribution et de la production d’électricité. Il faut rajouter la
distribution et la production d’électricité réalisées par la C.D.H.V (compagnie des chemins de fer départementaux électriques) qui rayonne dans le département autour de Limoges avec 4 branches
sur 350 km. Pendant la guerre tous les travaux et programmes sont arrêtés.
A partir de 1919, la question de l’électrification des campagnes revient sur le devant de la scène. La commune de Saint Amand Magnazeix, comme
d'autres communes rurales voisines, souhaite en bénéficier mais les coûts importants d'un tel chantier retardent la réalisation du projet.
La loi du 2 août 1923 facilite la distribution de l’électricité dans les campagnes et accélère l’électrification des commun. Au terme de cette loi, l’état met à la
disposition du Crédit Agricole 600 millions de francs pour subventionner et accorder des prêts spéciaux à taux réduit sur 40 ans maximum pour les départements, les syndicats de communes ou les
communes.
Après la promulgation de la loi, le conseil général de la Haute-Vienne se saisit du dossier dont il sera le maître d’œuvre en coordination avec les communes, sous le
contrôle du génie rural (service du ministère de l’agriculture). Pour diminuer les coûts, il décide d’utiliser les infrastructures existantes, les lignes du réseau de traction de la C.D.H.V sur
lesquelles pourront se brancher des dérivations allant jusqu’aux communes proches du réseau. Pour la production de l’énergie électrique il prévoit d’acheter les surplus produits par l’usine du
C.D.H.V à Eymoutiers.
La zone électrique de la ligne 2 de la C.D.H.V (Limoges à Saint Sulpice les Feuilles via Arnac la Poste) rayonne autour de Saint Amand Magnazeix et
des communes voisines qui peuvent être électrifiées par la C.D.H.V.
Le conseil général informe les communes concernées de cette possibilité. En 1925, le conseil municipal de Saint
Amand Magnazeix donne son accord au Département. Pour bénéficier des subventions de l’état et obtenir l’autorisation de réaliser les emprunts auprès
du Crédit Agricole, les communes doivent se grouper en syndicat intercommunal. Ainsi est créé le syndicat d’Arnac la Poste comprenant, entre autres, les communes de St Amand Magnazeix, St Sulpice
les Feuilles, Arnac la Poste, St Hilaire la Treille, St Sornin Leulac.
En 1927, le conseil municipal de Saint Amand Magnazeix accepte la formation du syndicat qui sera l’interlocuteur du Génie rural et du Conseil
Général.
En 1929, le ministre de l’agriculture approuve la formation du syndicat et lui attribue une subvention de 1 113 000 francs (30% du montant des dépenses) ce qui
permet de lancer les travaux. En 1931 La construction du réseau du syndicat est très activement poussée.
En 1932 Les installations concernant le réseau du syndicat d’Arnac la Poste sont terminées, le réseau est en service.
La commune de Saint Amand Magnazeix est enfin électrifiée.
La mairie, l'école et la poste feront partie des premiers bénéficiaires de l'électricité.
Pour le financement, le syndicat a bénéficié des subventions de l'état et du département et d'emprunts auprès du Crédit Agricole. La commune s'est engagée à
participer aux dépenses mises à sa charge par le syndicat, toutes les communes étant solidaires les unes des autres. Les habitants doivent payer la taxe de premier branchement à la commune et
souscrire à l'emprunt local que cette dernière est dans l'obligation d'émettre.
SAINT AMAND MAGNAZEIX AUTREFOIS
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